Mercredi 16 décembre 2015, l’allée qui mène à l’école maternelle Villeneuve a officiellement reçu le nom d’Armand Bouillot.
Quel plus beau symbole que de donner le nom d’un jeune instituteur, mort au front le 28 septembre 1915 à Neuville-Saint-Vaast, à une allée qui conduit à l’école publique de la république.
Neuville -Saint-Vaast est aujourd’hui le lieu d’une autre manifestation très symbolique: François Hollande inaugure le Monument des fraternisations. Ce monument répond au vœu du caporal Louis Barthas qui, il y a cent ans, avait imaginé « un monument pour commémorer cet élan de fraternité » dans les tranchées.
Hier, c’est Armand Bouillot qui était à l’honneur.
Dans la cour de l’école maternelle Villeneuve, Jean-Louis Azaïs co-président de l’Amicale Laïque, Daniel Jabaud président du comité d’Aubusson du Souvenir Français et Michel Moine* se sont succédés pour parler d’Armand Bouillot, ce jeune creusois au destin tragique. Ils ont évoqué sa courte vie, son parcours d’instituteur, celui de soldat…
Les élus du Conseil Municipal des Jeunes ont lu sa courte biographie avant que les élèves de terminale de Michel Dias ne lisent la lettre d’Armand Bouillot à ses parents*.
Parmi les personnes présentes, la famille Fargeaux qui a prêté de nombreux document sur leur ancêtre, des membres de l’Amicale Laïque, des représentants des pompiers, des gendarmes…des élus et des classes de maternelles ainsi que la classe de Cm2 de l’école « La clé des champs « .
Armand Bouillot est né le 7 février 1892 à Saint- Maixant. Ses parents vivent de l’agriculture. Le jeune Armand apprend le métier d’Instituteur à l’Ecole Normale de Guéret. Il la quitte en 1911 avec la mention « Mérite un poste de choix ». Il est aussitôt nommé instituteur adjoint à l’école publique de garçons de la rue Châteaufavier à Aubusson. Il y exerce deux ans. Ses rapports d’inspection sont élogieux. Ils évoquent un jeune maître attentionné, rigoureux, exigeant. Le 8 Octobre 1913, Armand Bouillot quitte Aubusson pour effectuer son service militaire. Affecté dans les Vosges, il obtient le grade de Sergent en août 1914. Mobilisé, il participe aux campagnes d’Alsace. Nommé comme instructeur des recrues à l’école de gymnastique de Joinville-Le-Pont. Il en sort Aspirant en décembre 1914.Son frère aîné, Elie, également mobilisé, meurt en février 1915, à Châlon-Sur-Marne, des suites d’une blessure au pied causée par des éclats d’obus. Au printemps de la même année, Armand est affecté au 407ème Régiment d’Infanterie. Alors qu’il assure le commandement de son groupe, lors des attaques allemandes du 28 septembre 1915 à Neuville-Saint-Vaast, en Artois, il est tué d’une balle dans le front. Sur son corps est retrouvée une lettre d’adieu préparée à l’intention de ses parents le 11 octobre 1914. Il avait voulu qu’elle ne soit ouverte qu’au cas où il mourrait au combat.
Les porte-drapeaux se tenaient à l’avant du cortège avec Guy Berlemont, qui a beaucoup œuvré pour qu’Armand Bouillot reste dans la mémoire des aubussonnais.
Clarisse et Lucas, membres du CMJ dévoilent la plaque Armand Bouillot aux côtés de Michel Moine, Jean-Louis Azaïs et l’ancien ministre André Chandernagor. Ensuite un bouquet de fleurs est déposé au pied de la plaque
Un dernier moment de recueillement.
* Lettre d’adieu préparée à l’intention de ses parents le 11 octobre 1914
« J’espère bien que cette lettre ne vous sera jamais adressée. Je l’espère, non pour moi, mais pour vous. Je désirerais vivement vous revenir sain et sauf pour vous combler de joie après votre cruelle attente. Mais prévoyons tout et supposons que vous receviez la présente lettre qui vous annonce ma mort. Alors il faudra vous faire une raison et savoir supporter facilement ce coup du sort. Vous vous direz : « Il est mort, tant pis » vous n’irez pas vous causer un chagrin inutile, bien plus nuisible.
Par expérience personnelle je suis assuré que vous tenez à moi d’une façon toute spéciale, plus peut-être qu’à mon frère et à ma sœur. En dépit de ces considérations, sachez supporter sans vous en attrister continuellement ce qui vous arrive. Avec du courage, cela vous est possible et c’est ma dernière volonté. Mon désir est que vous me regrettiez le moins possible ; c’est la meilleure façon d’honorer ma mémoire.
Votre tendresse, conservez là pour mon frère, pour ma sœur, conservez là surtout pour mon petit neveu Marcel ; ne vous apitoyez pas inutilement sur mon sort.
Je quitte Pérouse. Où va-t-on m’envoyer ? Je n’en sais rien. Si c’est pour retourner en face de l’ennemi, j’irai sans joie excessive, mais aussi sans une ombre de mécontentement. La seule chose qui me fasse de la peine, c’est de penser que vous me pleurerez peut-être, que, tout au moins vous serez inquiets à cause de moi. Je n’ai pas peur de la mort.
Mais si on vous adresse cette lettre c’est que la mort m’aura emporté et soyez certains que je ne serai pas mort en lâche. Vous pourrez être fiers de moi car j’aurai fait mon possible pour la défense de ma Partie. Vous direz adieu de ma part à toutes les personnes qui me connaissent et qui s’inquiètent de moi. Vous direz adieu de ma part également, quand l’occasion s’en présentera à mes anciens élèves de l’année scolaire 1911-1912. Je fis beaucoup pour eux ; je m’attachai sincèrement à eux d’une affection toute fraternelle. Je fus tout au moins pour eux un grand camarade mais qui était inflexible au point de vue du travail et de la discipline. Je voulais leur bien et j’ai la satisfaction du devoir accompli car je ne fis rien que dans ce sens-là. »
* Discours de Michel Moine